Les Vagabonds

Lundi 5 juin 20:30 - Chapiteau

 

Compagnie Les Vagabonds - Francis Azéma

L’équipe voit le jour en 1993 et crée le Grenier Théâtre où elle se produit pendant 8 ans (Shakespeare, Molière, Sarraute, Havel, Rostand, Labiche…), encouragée par Maurice Sarrazin, René Gouzenne, Luc Montech, Paul Berger... En 2001, « Les vagabonds » s’installent au Théâtre du Pavé, et revendiquent un théâtre populaire, qui s’adresse à tous : une écriture forte et simple, une mise en scène au service du texte et de l’auteur, un jeu d’acteur libre et rigoureux, un répertoire réunissant les grands auteurs classiques et contemporains, toujours riches d’émotions et de pensées (Camus, Chouaki, Tchékhov, La Fontaine, Lagarce, Duras, Fosse, Racine,  Sophocle, Anouilh, Koltès, Bergman, Renard, Beckett, Homère… )

Ils développent de multiples actions autour de la formation et de l’initiation du jeune public aux grands textes avec les célèbres Noir/Lumière. En 2013 la Compagnie se structure et porte enfin son vrai nom : « Les vagabonds - Francis Azéma ».

Joueur de farces

Plus nos recherches à travers livres et documents sur ce si mystérieux « Théâtre Comique Français du Moyen-Age et de la Renaissance » s’élargissaient, plus elles nous perdaient. Nous ne rencontrâmes que suppositions, supputations, hésitations, contradictions…

Il n’en fallait pas moins pour renoncer à trouver une trace précise, exacte, de l’histoire de nos prédécesseurs, de leur façon de répéter, de jouer, de vivre aussi au quotidien. Nous n’avions le choix qu’entre des thèses contradictoires et un imaginaire inspiré de clichés, de romans ou de films sur l’époque…

Qu’à cela ne tienne, nous mélangerions, nous mêlerions ce pauvre savoir avec nos ressentis pour ré-inventer ce Théâtre du XVI siècle avec ce que nous sommes, notre intuition, notre pratique aussi !

Nous inviterions sur notre scène nos farceurs, nos jongleurs, nos bouffons, nos bateleurs, nos vieux collègues à « reprendre du service » non pas dans nos têtes savantes mais dans nos cœurs fraternels.

Dans ce méconnu XVI siècle, lorsqu’une comédie jugée trop sérieuse était jouée par exemple en latin, le « menu peuple » n’hésitait pas à envahir le théâtre (hôtel particulier, château…) et à jeter pommes ou racines mais aussi urine et excrément sur les comédiens obligés de fuir.

Ces représentations étaient vécues comme une humiliation infligée par l’élite et les privilégiés aux ignorants d’en bas, incapables, selon eux, de comprendre et d’apprécier l’art.

Ces réactions, certes impulsives, témoignaient cependant du désir d’une culture accessible à tous. Ces procédés rappellent un peu ceux du carnaval où le pouvoir est inversé, renversé, où Monsieur Carnaval, symbole du pouvoir, est moqué, jugé et brûlé.

Le théâtre de la farce naitra donc lui dans la rue, sur les places.

 Aujourd’hui, ce théâtre là est encore exclu des manuels scolaires édulcorés et de notre littérature.

On ne cite la farce que pour parler de sa médiocrité, la comparant aux œuvres dites savantes.

Que reste-t-il dans notre théâtre d’aujourd’hui si souvent formaté de l’esprit de fête qui régnait alors ?

Il est devenu aussi presqu’impossible aujourd’hui de parler du « bas corporel » (urine, sexe, excréments) sans parler d’obscénité. N’est-ce pas oublier, comme le dit Mikhail Bakhtine à propos de Rabelais, « ce lien substantiel avec la fécondité, la naissance, le bien-être, issu d’une tradition très ancienne » ?

La farce s’en emparera. Cette farce triviale, populaire, farce bonhomme, un peu lourdaude, farce moqueuse, mais qui réjouit le riche comme le pauvre, le roi comme le gueux, farce « gauloise », miroir grossissant d’une société brutale, exutoire par le rire de nos peurs, de nos colères, qui résonne peut-être encore aujourd’hui dans un sketch de Coluche ou dans un dessin de Charlie-Hebdo.

Le théâtre de la farce est celui de la rupture. Il se veut à contre-courant de ce qui se fait, de la culture officielle. C’est pour cela qu’il choisit délibérément de refuser le beau langage, la bienséance, les conventions sociales. Ce n’est pas par ignorance mais par choix. Il s’approprie tous nos tabous, nos interdits : jurons, blasphèmes, grivoiseries, il devient une sorte d’anti-culture et reste fidèle à son esprit de fête, de foire, de carnaval. Ce théâtre dérange comme doit déranger le théâtre, il est accessible à tous comme doit l’être le théâtre.

Le théâtre de la farce française, théâtre de nos origines, ne restera pas consanguin. Molière saura le sublimer en le métissant à la commedia et à la grande littérature.

(Un grand merci à Michel Rousse pour son magnifique travail sur la farce)

Nous avons donc choisi de vous présenter une de ces deux cents farces retrouvées en piteux états et très souvent anonymes :
« Frère Guillebert ».  Choisi aussi, à travers nos recherches et notre imaginaire de comédiens, de « farcir » cette farce de moments de vie d’une petite troupe de théâtre itinérante.


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